Pierre Dac
a créé quelques illustres personnages inoubliables qui
sont venus enrichir l'histoire virtuelle de l'humanité loufoque,
notamment dans les domaines de la philosophie et des sciences. En voici
quelques specimens de la plus haute importance...
Mordicus
d'Athènes
Je vous propose
de lire avec recueillement le pélerinage du colonel de
Guerlasse sur la tombe de Mordicus d'Athènes, sous la
direction de son guide grec Thrasibule Artimon Tiktaxis
Papamakairodactylo-sténolargyropoulos :
-
Voilà, mon colonel. Nous y sommes... Vous découvrez
devant vous le terre-plein Ouest de la colline de la Pnyx où se
trouve le tombeau de Mordicus d'Athènes.
Visiblement surpris, le colonel de Guerlasse demeura
silencieux pendant un long moment. Puis, la voix moins assurée
que d'habitude, il finit par s'adresser au guide :
- Thrasi, à mon retour à Paris, je
vous proposerai pour le grade de chevalier du
Mérite-une-Récompense. Rien ne pouvait me procurer plus
de joie et d'émotion que
de pouvoir me recueillir sur la tombe de celui qui je considère
comme mon maître à penser.
- Suivez-moi. C'est à deux pas... un peu
à droite... demi-tout à présent, un léger
à gauche... Voilà, c'est ici...
Hubert de Guerlasse ne put retenir une larme...
- C'est donc là qu'Il repose de Son
éternel sommeil ?
- Oui, mon colonel. Comme vous pouvez le constater,
sa pierre tombale entièrement en marbre de Paris est
entourée de vigne et de flacons vides, pieusement
conservés.
- Pouvez-vous me traduire l'inscription
gravée sur la tombe ? Elle est en grec ancien et je n'entends
rien à cette langue sacrée.
- ... "Ici repose, dans la paix des dieux de
l'Olympe, Mordicus d'Athènes, l'illustre philosophe ivrogne
athénien, fondateur de l'Ecole éthylique, 328-244, au
fond de la cour
à droite avant l'ère chrétienne."
- Quelle grandeur dans la simplicité !
J'aperçois d'autres tombes qui entourent celle de mon
vénéré maître.
- Ce sont celles de ses plus fervents disciples :
Synoch de Smyrne, Ringard de Syracuse, Taxiphose de Lépante,
Mersakos de Chalcidique, Pedalos des Cyclades, Leguminos de
Macédoines, Salicitate de Soude... Conformément aux
dernières volontés de l'illustre philodophe, chaque
année, à
l'époque du mardi gras et de la mi-carême,
de pieux pèlerinages et d'imposantes solennités
sont organisés avec la présence effective
des plus hautes autorités civiles, militaires et
religieuses, des corps constitués et des personnalités
les plus marquantes du monde des lettres, des arts, du barreau, de la
psychiatrie, des débitants de boisson et de la voiture
d'occasion. Les cérémonies s'achèvent
régulièrement par un concert
auquel participent les Petits Chanteurs à la Dalle-en-Pente et
la Société des Trompes de Chasse du
Péloponèse et du Pentathlon réunis.
- Tout cela est tellement grand que ça me
dépasserait presque ! conclut le colonel. Thrasi, je vous jure
que je n'oublierai jamais ce moment !
(tiré de Bons
baisers de partout. L'opération Tupeutla - 2 ,
éditions Librio, p.81-82)
Isidore
Paudemurge
Parfait honnête homme et citoyen intègre, Isidore
Paudemurge est né le jour de la Saint-Oculi, patron des
fabricants de lunettes, à Mouchaboeuf-en-Tournée,
charmante localité sur les bords de la Semoule, entre
Morzy-les-Gracieuse et Issoubly-sous-l'Huy. (...)
Très jeune, il perdit ses parents.
Bêtement d'ailleurs, dans la foule, à la foire du
Trône. Ce qui, après déclaration de perte à
l'état civil, lui donna droit à l'appellation
contrôlée d'orphelin provisoire.
Il se retrouva donc, de fort bonne heure, dans
l'obligation de se livrer aux besognes les plus diverses pour gagner sa
vie. C'est ainsi qu'il fut, successivement et entre autres, essayeur de
sucettes dans une confiserie clandestine, metteur au point à la
ligne dans une imprimerie désaffectée, donneur à
plein temps dans un institut d'insémination artificielle
d'où il fut remercié pour insuffisance de matière
première, interne des hôpitaux, mais en qualité de
malade, et enfin, imprésario et organisateur de galas au
bénéfice de l'organisation des organisateurs de galas.
(...)
En marge de ses occupations professionnelles, il se
passionne pour l'art pictural. Paysagiste distingué, on lui
doit, en dehors de certaines sommes d'argent qu'il a bien du mal
à récupérer, quelques oeuvres intéressantes
parmi lesquelles une ravissante peinture à l'huile et au
vinaigre intitulée : Matin d'avril, qui
représente un joyeux boulevardier au saut du lit, en train
d'élever l'extrémité de sa chemise de nuit
à la
hauteur de son front en ayant l'air de dire : "Je ne sais pas ce que
j'ai dans l'oeil."
Egalement passionné de politique, ardent
défenseur des libertés démocratiques, il est l'un
des principaux fondateurs du "Mouvement républicain alternatif
des jambees et des bras avec rotation des gencives et circumduction du
tronc". Orateur-né, doué d'une présence d'esprit
à toute épreuve et irremplaçable logicien, il
possède le sens profond du mot juste et de la
réplique incisive. Ainsi, nul, dans son quartier
n'a oublié ce fameux soir où, en pleine réunion
électorale, il riva magistralement son clou à
un contradicteur de mauvaise foi. Celui-ci, à bout
d'arguments et littéralement exaspéré
à propos de je ne sais plus trop quoi, lui ayant
lancé à tout hasard : "Mais enfin, monsieur,
quoi, tout de même, après tout, fluctuat
nec mergitur !", il répondit, du tac au tac :
"D'accord, mais seulement dans les rues en pente !" (...)
Notable respecté, il est également
président de la Ligue pour la réconciliation des oeufs
brouillés, membre bienfaiteur de l'Oeuvre pour le rapprochement
des sexes et persona grata affiliée à une
société secrète de gymnastique.
Quoi que peu sensible aux honneurs, il est
néanmoins sous-officier d'Académie, chevalier du
Mérite un claque dans le nez et commandeur de l'Ordre de se
replier sur des positions solidement préparées à
l'avance.
Voilà qui est ce rude et courageux compagnon
qui a su gagner, à la faveur de ses dons exceptionnels et de son
labeur acharné le droit de goûter désormais et en
toute plénitude les fruits confits de ses constants efforts.
Qu'il me soit aujourd'hui permis de saluer en lui
l'un de ces modestes et vaillants pionniers qui, jour après
jour, et par la seule force de leurs ancestrales vertus, forgent
silencieusement le
fier levain qui, demain ou après-demain au plus tard,
fera germer le ciment victorieux dans lequel sera ficelé la
poutre maîtresse du mur de soutènement sur quoi, enfin,
reposera, entre les deux mamelles de l'harmonie universelle, la
clé de voûte qui ouvrira, à deux battants, la porte
cochère d'un avenir meilleur sous le péristyle d'un monde
nouveau.
( tiré
du Dico franco-loufoque, éditions Librio, p.48-51)
Slalom-Jérémie
Menerlâche
Par ailleurs
célèbre inventeur du Biglotron ,
Slalom
Jérémie Menerlâche eut une vie qui ressemble
en beaucoup de point de côté à celle
d'Isidore Paudemurge. Voici toutefois quelques épisodes
de sa vie qui lui sont propre :
Astrologiquement
et exceptionnellement placé sous le triple signe zodiacal du
Lion, du Fox à poils durs et du Sagittaire avant de s'en servir,
Slalom Jérémie Menerlâche naquît, il y a une
cinquantaine d'année environ, à
Mouchaboeuf-en-Tournée, dans la Meuse, charmante localité
située sur les bords de la Semoule, entre Morzy-les-Gracieuses
et Issoubly-sous-l'Huy. (...)
Parisien de longue date, il habite sur la rive
gauche, au 44 de la rue du Chien-qui-Quête, juste en face de la
Faculté de se mouvoir sans lumière dans
l'obscurité.
Marié, il y aura vingt-sept ans aux pommes de
terre nouvelles, à une charmante jeune femme qui lui donna trois
garçons et une paire de jumelles avec la courroie et
l'étui, il est à la fois le fils de ses oeuvres et le
père de ses enfants. (...)
Il parle et écrit couramment une bonne
dizaine de langues, dont le yaourt, le strabisme, le
phéno-barbital et le moldosamovar.
En marge de ses occupations profesionnelles, Slalom
Jérémie Menerlâche a un violon d'Ingres : l'art
poétique, dont il est un fervent amateur.
Outre une remarquable exercice de style
accéléré sur les pruneaux cuits et les pruneaux
crus, on lui doit, en dehors de certaines sommes d'argent qu'il a bien
du mal à récupérer, un adorable et ravissant
poème d'inspiration et de facture néo-romantique
intitulé : La Mère et le Bambin. C'est un
émouvant et gracieux dialogue entre une jeune maman et son petit
garçon. Voici ce très joli poème :
- Tiens mon enfant, v'la du fromage.
- Maman, y a-t-y du sucre dessus ?
- Non, mon enfant, c'est pas l'usage.
- Alors, tu peux te l'foutre à
la Caisse des dépôts et consignations.
Simone Alloilpé
Voici comment
l'ignoble Zorbec Legras évoque sa rencontre avec Simone
Alloilpé à son sinistre bras droit Wilhelm Fermtag...
C'est une grande artiste
de classe internationale : la seule strip-teaseuse pour camp de
nudistes... la clientèle la plus difficile du monde. Elle
exécute un numéro de strip-tease à l'envers
extrêmement complexe et unique au monde. Je l'ai
découverte l'an dernier, aux îles du Levant. Elle arrive
entièrement nue et on la prend donc pour une banale spectatrice.
Et puis, tout à
coup, les projecteurs se braquent sur elle. Au rythme de l'orchestre,
elle commence à s'habiller avec une lenteur qui vous donne des
frissons. A la fin, quand elle enfile un passe-montagne par-dessus sa
canadienne,
c'est du délire dans la salle.
(tiré
de Bons baisers de partout. L'opération Tupeutla - 3 ,
éditions Librio, p.18)
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